domenica 24 giugno 2018

Pour un droit au refus des médications neuroleptiques - Per il diritto di rifiutare gli psicofarmaci





Recueil Confcap – Situation #52 : Pour un droit au refus des médications neuroleptiques : accompagner le changement de paradigme sur les droits des personnes suivies en psychiatrie

https://confcap2017.wordpress.com/

Auteure : Pink Belette

Contexte de description: Cette situation est issue d’une expérience personnelle en tant que personne suivie en psychiatrie depuis 10 ans et ayant lutté (en vain) pour un sevrage définitif des neuroleptiques. Je fais également partie du collectif informel « Prohibition absolue des hospitalisations et traitements forcés en psychiatrie ». J’ai choisi un pseudonyme parce que je suis diagnostiquée schizophrène ET sous mesure de contrainte en soins ambulatoires (SDT) depuis 3 ans, ainsi que sous curatelle simple sans aucun motif valable (aucun problème de gestion).
Résumé : Depuis la « nuit sécuritaire », j’ai pu constater à quel point la psychiatrie en France était une zone de non-droit. Mes séjours à répétition et les abus que j’y ai subis n’ont fait qu’aggraver les traumatismes et stigmates qui m’y ont menée, en bout de course. J’ai cherché des voies de recours, j’ai cherché des thérapies alternatives, j’ai cherché à être comprise, j’ai cherché à arrêter des traitements qui ont, pour moi, toujours été une torture (et sur lesquels il n’y a aucune étude sur les effets à long-terme en France), tout cela en vain… Je souhaite aborder ces violences et privations de droits fondamentaux avec une approche thématique qui permette d’engager une discussion plus radicale, qui aille au-delà du narratif de la « santé mentale » traditionnelle. Je proposerai des perspectives, basées sur les bonnes pratiques glanées dans d’autres pays, pour un changement de paradigme et l’alignement du droit français sur la Convention des Droits des Personnes Handicapées de l’ONU.

***
Je suis une survivante d’abus graves qui m’ont conduite à la dépression et à un « épisode  psychotique » en 2007. J’ai fait ma première tentative de suicide au bout de deux séjours en psychiatrie, qui m’ont laissée sans logement, sans le soutien de mes parents, m’ont fait perdre mon partenaire, mes amis et perspectives de travail.
Aujourd’hui, je suis seule, handicapée à 80% et il est trop tard pour moi maintenant pour devenir mère. J’ai également des troubles cognitifs et de la mémoire dus aux psychotropes, et malgré mon parcours artistique, je me sens totalement incapable de créer. Je vis dans la précarité à la charge de l’Etat (AAH).
J’ai été ré-hospitalisée en psychiatrie de nombreuses fois en 10 ans, ce qui constitue pour moi une véritable mort sociale.
J’ai vécu lors de mes hospitalisations de nombreuses violences physiques et morales, dont la torture médicamenteuse, des abus de faiblesse et maltraitances et atteintes à la dignité et à la liberté de pensée. J’ai été mise plusieurs fois en isolement avec violences de la part du personnel ET des employés de la sécurité, alors que je n’ai JAMAIS été agressive. J’ai été placée sous contention, injectée de force, déshabillée de force, déshydratée, nourrie de force, humiliée, bafouée, maltraitée…
Le médecin et l’équipe refusaient de prendre en compte mon refus des médicaments dû aux effets secondaires, sans aucune justification ni explication de leur part (interdiction de consulter le Vidal): impatiences insupportables, tremblements, angoisses mortelles, dépression, troubles de l’élocution, dyskinésies faciales et tortures psychiques (« enfer » mental, anesthésie de la conscience…) qui disparaissaient à l’arrêt du traitement.
Le comble : en hospitalisation, on m’a répété à outrance que, comme j’étais en soins sous contrainte, ils étaient « responsables de tout » et que, donc, je « perdais mes droits », que le médecin « faisait ce qu’il voulait » et que eux faisaient « ce que le médecin leur demandait »…
Je suis passée deux fois devant le Juge des Libertés et de la détention au bout de 12 jours sans ma requête, sans avocat, mais celui-ci s’est ouvertement moqué de moi. Il a relevé négativement le fait que mon curateur ne soit pas présent (celui-ci avait été prévenu deux jours avant). Je n’ai pas pu parler de ma torture neuroleptique, par contre, il s’est assuré que je prenais bien mes médicaments, critère sine qua non pour une relaxe, que ce soit devant un juge ou un psychiatre.
Il était agressif, manipulateur et a fait preuve de l’hypocrisie la plus absolue quand je lui ai dit que j’étais victime d’abus et maltraitances. J’étais clairement l’accusée. La première fois, il a essayé pendant l’audience de me forcer à accepter l’avocate commise d’office (que j’avais refusée par manque de temps en amont). La deuxième fois (avec avocate commise d’office vue dix minutes avant), il m’a affirmé, après de multiples interruptions, qu’il me maintenait en soins sous contrainte parce que « le directeur de l’hôpital le lui avait demandé »…
D’autres patients étaient sortis en pleurant de l’audience.
Dans mon secteur, le JLD ne libère que 5% des personnes placées en soins sous contrainte, pratique s’étant par ailleurs systématisée (augmentation de 50% de soins sous contrainte depuis la loi Bachelot selon la HAS).
Questionnements et pistes d’analyse suscités par la situation :
  • Pourquoi le JLD n’est pas une véritable voie de recours et pourquoi les personnes psychiatrisées ont peur de parler;
  • La CDPH de l’ONU : pourquoi n’est-elle pas appliquée en France? (rapport Robiliard, silence/ tabou médiatique, exception française…)
  • En quoi se substituer à la volonté du patient constitue une violence : impossibilité du (non-)consentement éclairé (impact des traitements forcés et « compliance », (non-)évaluation de la balance bénéfices- risques, immunité des psychiatres)…
  • Impact des privations de liberté et des violences (physiques, morales…) : en quoi aggravent-elles l ‘état du patient (re-traumatisation, stigmatisation, abus de pouvoir, déni de crédibilité ; la souffrance de ne pas être compris.e/ entendu.e, absurdité et aggravation des engrenages sociaux de personnes déjà vulnérables) ;
  • En quoi ces violences sont-elles systémiques (le psychologique est politique, l’accès au corps des personnes aussi ; système absurde dans lequel on blâme et stigmatise les victimes, tandis que les psychopathes et pervers sont peu inquiétés) ;
  • En quoi le modèle bio-médical est-il questionnable et quel est son impact sur la vie des personnes (image véhiculée dans les médias, infantilisation des personnes psychiatrisées et déresponsabilisation, escalade de la violence) ;
  • En quoi la médication forcée constitue une torture et une incapacitation des personnes psychiatrisées (la dimension physique, la dimension psychologique, morale et spirituelle) ;
  • En quoi la psychiatrie est-elle un système sous influence ? (monopole et impunité des médecins psychiatres, influence des lobbies pharmaceutiques, dépendance des intérêts financiers des hôpitaux, intérêts politico-économiques…).
Suggestions :
  • Nécessité de l’abolition des soins forcés : en quoi consisterait un changement de paradigme (définition).
  • En quoi une meilleure compréhension de l’origine traumatique des troubles des personnes psychiatrisées, et donc une approche psycho-thérapeutique serait-elle une prémisse essentielle pour un changement de paradigme (95% des personnes psychiatrisées ont été victimes d’abus graves dans l’enfance ; prévalence des abus sexuels dans l’enfance pour au moins un patient sur deux, dont 3 fois plus de femmes que d’hommes)…
  • Mieux partager et exploiter les initiatives citoyennes et alternatives thérapeutiques en France et dans le monde ;
  • Le modèle bio-médical à l’épreuve de la science: nécessité de remettre en question les « mythes » de la psychiatrie (« maladie chronique d’origine génétique », « déséquilibre chimique dans le cerveau »…) ;
  • Nécessité déontologique de revoir l’usage des psychotropes (polypharmacie, surdosage, psychose d’hypersensibilité, privation de liberté cognitive…) et de pouvoir proposer un accompagnement au sevrage médicamenteux (formation des psychiatres) ;
  • Comment améliorer la relation de soin : nécessité de redéfinir le rôle des médecins et soignants dans la relation au patient ; approche qualitative, empowerment et bons principes, justice restauratrice, rétablissement, réhabilitation ;
  • La CDPH et la nécessité de son implémentation en France (inconstitutionnalité de lois dites « scélérates » ; prévalence du droit international sur le droit local ; nécessité d’abolir les soins forcés ; autres pistes juridiques) ;
  • Plaidoyer : Autres pistes d’actions pour sortir de la nuit sécuritaire, médico-judiciaire et financière (débat).
Principaux textes de droits mobilisés dans la situation ou qui pourraient l’être : 
Article 55 de la Constitution, charte du droit des patients, abolition de la loi Bachelot 2011, modification de la loi du 27 septembre 2013 relative à l’obligation de comparaître devant un juge des Libertés et de la détention, mise en vigueur des articles 12, 14, 15 de la CDPH de l’ONU, la Convention des Nations Unies contre la Torture, des textes de loi allemande notamment en faveur du droit de dire non à l’accès de leur corps par les médecins (directives anticipées).
Apport de la Confcap :
J’ai soulevé un certain nombre de questions lors d’une mise en dialogue dans un atelier consacré à la place du juge, la place du soin, et la place du recours, avec d’autres personnes concernées.
J’ai plaidé contre les soins forcés en psychiatrie, et souligné la nécessité de la mise en application de la Convention pour les Droits des Personnes Handicapées de l’ONU en France, notamment l’article 12, 14 et 15 (notamment le droit inaliénable à ne pas être soumis.e à des traitements inhumains et dégradants, ce qui implique la liberté de disposer de son corps et de son intégrité psychique, ainsi que de ne pas être détenu.e arbitrairement, ce qui implique l’interdiction des hospitalisations sous contrainte).
J’ai évoqué les raisons pour lesquelles le JLD n’est pas une véritable voie de recours (dix minutes d’audience où l’on est mis.e sur le banc de l’accusé.e, et la décision du juge qui confère force de loi aux psychiatres/ préfet ; ce qui avant était autorisé tacitement est devenu légalisé ; aucun recours possible concernant les abus psychiatriques, puisque le juge statue uniquement sur la forme, jamais sur le fond ; il marche également main dans la main avec le directeur de l’hôpital et adhère pleinement à la doctrine sanitariste promue par l’Ordre des médecins psychiatres et de l’industrie pharmaceutique qui entend bien garder son monopole…).
J’ai également montré en quoi se substituer à la volonté du patient constitue un abus de pouvoir et en quoi les privations de liberté et les violences systémiques provoquent une aggravation de son état psychique (re-traumatisation, stigmatisation, déni de crédibilité , absurdité, engrenages sociaux de personnes vulnérables, victim-blaming)…
J’ai questionné, études indépendantes à l’appui (dans le monde), le modèle bio-médical et mis en évidence la iatrogénicité des psychotropes, tout en montrant en quoi une meilleure compréhension de l’origine traumatique des troubles, et donc une approche psycho-thérapeutique serait une prémisse essentielle pour un changement de paradigme.
J’ai argumenté en quoi la médication forcée constitue une torture et une incapacitation, conformément à la Convention de l’ONU contre la torture, en développant la dimension physique, psychologique, morale et spirituelle.
En conclusion, j’ai évoqué les initiatives citoyennes et alternatives thérapeutiques pour une approche humaniste en France et dans le monde (notamment le légendaire Open Dialogue originaire de Finlande, des approches basées sur la psychologie transpersonelle comme les maisons Esalen ou Soteria ; en France, le Lieu de Répit à Marseille, « Un chez soi d’abord » et toutes les initiatives laissant entière liberté au patient de se médiquer ou non, ainsi que celles favorisant le rétablissement et donc le sevrage médicamenteux, auquel les professionnels de santé ne sont pas formés, sauf au COFOR à Marseille).
La mise en dialogue de l’atelier « la place du juge, la place du soin, la place du recours » a conduit à la conclusion que le juge devrait uniquement être là pour recevoir les plaintes d’abus psychiatriques/ institutionnels et a sensibilisé le public sur l’existence (et la non-application en France) de la CDPH de l’ONU concernant la psychiatrie et les mesures de prise de décision substitutives comme la tutelle ou la curatelle.
J’ai également présenté un poster de ma composition intitulé « Nuit sécuritaire, place de la république », évoquant la maltraitance psychiatrique dans le contexte actuel.

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